« Une arme pour bléssés grave!»






mardi 6 juillet 2010

Vive la France!



Oui, France, on t'a vaincue, on t'a réduite même.
Et comme il n'a pas eu pour preuve le succès,
A ton courage encore on jette l'anathème,
Et les Français s'en vont rabaissant les Français.

Que la faute fut grande et cette guerre folle,
Qui le nie? Ils sont là nos désastres d'hier.
Mais qu'au bruit des canons tout un passé s'envole
Que tout un avenir soit brisé sous ce fer!

Que la France n'ait plus, chez les peuples du monde,
Ni voix dans leurs arrêts ni place à leurs grandeurs!
C'est une calomnie infâme et si profonde,
Qu'un vaincu qui la dit étonne ses vainqueurs.

Non, France, ne crois pas ceux qui te disent lâche,
Ceux qui voudraient nier ton âme et ses efforts
Sans gloire et sans bonheur, tes fils ont fait leur tâche,
Mais ils l'ont faite, et Dieu ne compte plus tes morts.

J'ai vu de pauvres gens tomber sans une plainte;
D'autres - je les ai vus - ont combattu joyeux,
Et, pieux chevaliers de cette guerre sainte,
Sont morts, l'amour dans l'âme et le ciel dans les yeux.

Ils ont lutté, n'étant ni l'espoir ni le nombre.
Et sans cesse détruits, et renaissant toujours,
C'est un éclair divin de cette époque sombre,
Que ces martyrs voulant leurs supplices moins courts.

Je les ai vus, marchant les pieds mis sur la neige,
Succomber de fatigue et non de désespoir
La misère et la faim leur servaient de cortège,
Mais ils marchaient, ayant pour guide le devoir.

J'en ai vu qui, captifs, s'échappaient d'Allemagne,
Revenaient aux dangers à travers les dangers,
Et, sans revoir leurs toits, reprenant la campagne,
Retombaient par deux fois aux mains des étrangers.

Ce n'était pas toujours des soldats, notre armée
Mais j'ai vu des blessés venir, saignant encor,
Reprendre dans les rangs leur place accoutumée,
Et, luttant tout meurtris, se guérir dans la mort.

J'ai vu des régiments, aux jours de défaillance,
Se porter en avant et se dévouer seuls,
Pour qu'on pût dire au moins, en parlant de la France,
Que ses drapeaux étaient encor de fiers linceuls;

Que nous savions encor mourir, sinon combattre.
Et puis, nous n'avons pas toujours été si bas:
Froeschwiller est l'assaut d'un homme contre quatre
Et de ces assauts-là les Prussiens n'en font pas!

Gravelotte et Borny ne sont pas des défaites;
Les vivants ont vengé les morts de Champigny
Les gloires de Strasbourg échappent aux conquêtes,
Et Paris affamé n'a jamais défailli!

Oui, Français, c'est un sang vivace que le vôtre!
Les tombes de vos fils sont pleines de héros;
Mais sur le sol sanglant où le vainqueur se vautre,
Tous vos fils, ô Français! ne sont pas aux tombeaux.

Et la revanche doit venir, lente peut-être,
Mais en tout cas fatale, et terrible à coup sûr;
La haine est déjà née, et la force va naitre
C'est au faucheur à voir si le champ n'est pas mur.


Paul Déroulède, Chants du soldat 1872.


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